Les nouvelles voiles étaient enfin terminées. Elles étaient épaisses, d’un noir profond et traitées afin de résister aux intempéries. Dès que celles-ci furent installées, les matelots se préparèrent à une sortie en mer. Le pavillon pirate fut hissé sur le grand mât. Il représentait un sablier rouge ailé sur fond noir, symbolisant le temps passant, filant à la vitesse du vent. Le capitaine donna l’ordre de larguer les amarres. Tous retinrent leur souffle lorsque les voiles se gonflèrent de vent marin. Nute tenait fermement la barre, plissant les yeux pour voir au loin.
Testons la résistance de nos ailes, Pirates ! s’écria-t-elle en faisant tourner la barre.
Virant de bord, le Liberté quitta la baie de Giran. Très rapidement, il prit de la vitesse. Une fois les derniers récifs dépassés, la grand voile fut hissée. La vitesse de la frégate s’accrut encore. Le Liberté fendait la mer comme il l’avait fait lors de ses jours les plus glorieux. L’hydre, la figure de proue, dominait les flots, avançant telle une furie. Nute laissa la barre à son second, lui demandant de mettre le cap sur l’Ile aux Murmures. La jeune femme s’avança vers la proue, le visage fouetté par les embruns et le vent. Tous, sur le navire, palpitaient d’excitation. L’île était en vue. Ils longèrent un peu la côte puis mirent a nouveau le cap sur Giran. La frégate repris sa course folle. Nute se plaça sur le pont pour observer l’équipage. Handel avait un teint rappelant celui de la mer, et se cramponnait au mât du mieux qu’il pouvait. Les matelots qui lui restaient étaient absorbés par leurs manœuvres, mais l’on pouvait lire sur leurs visages le soulagement. Distancer le Liberté devenait impensable. Mieux encore, il n’avait jamais été aussi rapide. Sa taille moyenne et son poids allégé autant que pouvait l’être une armature de bateau lui faisaient fendre la bise plus vite qu’un oiseau de proie. Oui, l’équipage était soulagé. Ils pourraient se tenir à distance de Zaken. Ils étaient en danger sur terre, comme tout les habitants de Giran, mais en mer, ils survivraient. Ils en avaient la conviction.
La grand voile fut baissée à l’approche de la baie de Giran, et le Liberté perdit de la vitesse. Les matelots baissèrent les autres voiles puis larguèrent les amarres peu avant l’entrée du port. Nute lança un regard entendu à son second. Ils avaient une chance. Une chance de survivre à Zaken. Plusieurs pirates empruntèrent une chaloupe pour aller à terre. Ce soir, ils fêteraient dignement cet espoir qui renaissait.
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